Playtime n’est pas une association à but non lucratif- bien que parfois la question puisse se poser- c’est une agence d’architecture à caractère pacifique, bien que parfois la question puisse se poser. Il arrive en effet que face à l’indigence de certains règlements nous nous sentions plus proche de Don Siegel que de Jacques Tati et que les modes opératoires mis en œuvre par l’inspecteur Callahan semblent plus appropriés que ceux de Monsieur Hulot. Rappel : « par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, les constructions doivent respecter le caractère ou l’intérêt des lieux avoisinants, les sites, les paysages naturels ou urbains ainsi que la conservation des perspectives monumentales » Bien qu’il y beaucoup à dire sur ce qui peut déterminer le caractère ou l’intérêt d’un lieu et plus encore sur la notion de respect en architecture, cette préconisation n’est pas viscéralement intolérable. Et si l’article 11 ce limitait à cet énoncé il serait lui même acceptable. Malheureusement dans la plupart des cas, guidé par je ne sais quelle frénésie d’autoritarisme administratif ou par la surenchère des rédacteurs de PLU justifiant leur rémunération – ramenée à presque rien par une procédure d’appel d’offre tirant les honoraires toujours plus bas – en multipliant les copier/coller ; dans la plupart des cas donc, l’ art 11 nous gratifie également d ‘obligations et contraintes sur la volumétrie, les matériaux, les couleurs, les toitures, les façades, les clôtures etc… Ainsi, alors qu’il aurait pu être un offensif rappel de bon sens ( l’architecte doit tenir compte du contexte dans le quel il s’inscrit quitte à lui dire « fuck * » en connaissance de cause ), la lente dérive simplificatrice inhérente à toute volonté de contrôle a transformé cet article en machine castratrice, où l’architecture « contemporaine » est perçue comme une exception ou un problème dont la mise en œuvre, au lieu d’être promue, doit être justifiée. La prise en compte du contexte, c’est à dire le processus complexe l’analyse d’un site, ses qualités, ses défauts etc…, a été réduite à la notion informe d’insertion, notion elle même radicalisé par celle de mimétisme. Les instructeurs de pc ayant l’habitude de s’appuyer sur des données concrètes ( hauteurs, distances, surfaces) pour accepter ou non un dossier, jugent ainsi l’insertion d’un bâtiment à l’aune des constructions environnantes : un bon bâtiment est un bâtiment qui ressemble à ses voisins. Les règles d’alignement, de prospect (d’urbanité en quelque sorte) participent à la constitution de la ville alors que celles visant à cadrer l’aspect extérieur des constructions favorisent définitivement la médiocrité au détriment de la créativité. Il n’y a pas de bonne façon de rédiger d’article 11. Un bon article onze est un article onze mort. Laurent Mayoud / Playtime AA (* Rem Koolhas » fuck the context ») ——————– Note du 28 février 2012: On suivra avec attention le projet représentatif des limites de l’article dans le bras de fer qui oppose notre confrère Michel-Olivier Dayot dans son projet des Côtes d’Armor. La réponse de la mairie à ce projet est la suivante: » Considérant que le projet ne respecte pas le caractère des lieux avoisinants de par son aspect extérieur, et tout particulièrement ses proportions très verticales : sa hauteur de 11 mètres et son étroitesse et son implantation situé sur un terrain situé dans le haut d’une rue à forte déclivité et dans son angle ( croisement ) ; Considérant dès lors que la réalisation de ce projet serait de nature à compromettre le site dans lequel il s’inscrit ; Le permis de construire est REFUSE. » Le CAUE a fait une remarque pertinente à la suite de cet arrété, visant à faire changer d’avis la commune: le refus doit avoir d’autres fondements que sur des critères reglementaires ( hauteur, verticalite..) qui respectent l’application stricte du PLU. Le CAUE cite l’article 1er de la loi sur l’architecture: » la création architecturale, la qualité des constructions etc sont d’intéret public, les autorités habilitées à délivrer les PC s’assurent au cours de l’instruction du respect de cet intérêt » Il semble depuis cette mise a jour, que le projet de M.O.Dayot finisse, grâce à la mobilisation d’éminents confrères et la puissance d’internet, par aboutir…que d’efforts pour une simple maison!! L’article 11 sclérose et contribue à la création de la banalité et d’un habitat répétitif. L’architecture y est instrumentalisée pour n’être plus qu’une application de normes contraire à l’esprit de la loi SRU ( article L123-1 du code de l’urbanisme). Force est de constater que c’est souvent seulement au prix de luttes judiciaires longues et couteuses ( Tribunaux administratifs) que les abus sont combattus ( par exemple prescriptions sur les matériaux illégales car entravant le libre commerce et l’égalité entre les commercants et industriels..Les juges examinent également si la qualité intrinsèque du milieu environnant le projet est justifiée ( par la notion de réel intéret, et donc de mesures administratives permettant de classer cet intéret: en l’absence de ces mesures, l’utilisation de la notion de non respect du tissus environnement est ainsi injustifiée. ( le site doit être: pittoresque ou remarquable, exceptionnel ou inscrit ( mais le non classement n’empeche pas cependant de justifier de l’intéret d’un site).. Le deuxième point est d’apporter la preuve que le projet à un réel impact sur l’environnement. ——————— Note du 8 juin 2012: Les mêmes ayatollahs sévissent dans le Beaufortain aussi.. courage confrère! ND